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26 mai 2013 7 26 /05 /mai /2013 09:25

arton5913.jpg"Rien n’est vain dans une écriture qui donne ; qui ouvre des portes sur ce qui l’avive et la rend ardente et nécessaire.

La parole du poète s’amorce lors d’une traversée Marseille-Ajaccio. Il a 39 ans, désormais, et 152 fenêtres ouvertes sur son âme. Il revient sur cette île dont la beauté est de lumière et de bleu, faite d’imprévus et des « charmes les plus barbares » ; cette île dont il n’était jamais reparti « entièrement indemne ».

L’errance le happe et s’esquissent des lieux intérieurs où il invite ceux qui l’ont nourri au fil des années. Des femmes, des amis, des compagnons de route, et d’autres complices ou grands frères tel Brautigan, Camus ou Eluard… Ses souvenirs de jeunesse affluent avec l’écho d’une révolte nourrie au grain du communisme, et tissent l’espérance, encore saillante, d’une poésie de l’agir.

Simple et transparente, l’écriture de ce court récit a le mouvement indéfectible de la mer qui ramène sur les plages de Corse la nostalgie du temps écoulé, et ce désir de liberté qui nous hèle : « Ne nous hâtons pas… Prenons le temps de vivre, de dire, d’agir plutôt et d’espérer.   La vie est ainsi, sans cesse menacée. Ne nous hâtons pas ! Prenons le temps de lutter. »" * 


Canicule & Vendetta

suivi de Impressions mediterranéennes
De  Thierry Renard
Editions  Le bruit des autres, mars 2013

* Cet article a été publié dans Rives & Dérives, le Journal des lecteurs amis de la Dérive, numéro 51, paru en mai 2013. cf : rivesetderives.fr 

 

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22 avril 2013 1 22 /04 /avril /2013 21:35

images-1-copie-10.jpeg« Une solitude aride et pure c’était tout ce qu’on m’avait laissé jusqu’à présent, mais c’était bien assez pour survivre. »

Cette nouvelle de Louis-René des Forêts est parue pour la première fois en décembre 1943. Mais c’est la version corrigée et rééditée en 1991, dans les Cahiers du Temps qu’il fait, que nous proposent les éditions du Chemin de fer, vue par la plasticienne Frédérique Loutz.
Elle nous plonge dans le milieu carcéral d’un prisonnier qui n’est pas sans évoquer celui de nos murs intérieurs. Dans le confort de sa solitude, il attend son jugement, et rentre, le soir, dans sa paillasse avec ses souvenirs. Rituel nostalgique du meilleur moment de la journée - vers les meilleurs moments de sa vie. Rituel précieux comme la dernière liberté que l’on possède encore.

Mais voilà, ce soir déboule le jeune Bengali dans sa cellule, jeté par les surveillants. Le nouveau est maigre, les épaules frêles et tremblantes de sanglots. Il ignore tout de ce qui va lui arriver, et le narrateur, furieux qu’on vienne ainsi souiller sa solitude, se plait à lui mentir. Mensonges par sadisme ou pour asseoir un jeu de pouvoir sur celui, apeuré comme un oiseau en cage,  qu'il décide de faire son souffre-douleur. Les vices de la colère ouvrent des brèches et c’est l’altérité qui saisit le prisonnier face à la présence, même discrète, de Bengali dont il se prend à imaginer l’existence.

L’imagination…la littérature qui prend source au royaume de la solitude court-circuitée…là où se meut, s’exprime, s’explore la profusion et les couleurs de l’âme…dans le corps.

Forest nous parle ici du pouvoir de la parole, des tremblements intérieurs, des libérations que l’on trouve dans la contrainte, et des affections que l’on peut avoir pour l’autre. Il nous parle d’une certaine façon de nous façonner afin d’éprouver encore ce sentiment vital (même infime) de liberté…il nous parle, en somme, de ce qui nous remplit, et de ce qu’on laisse vide, aussi, parfois, pour survivre. Un texte mince et riche, moderne et sans âge. 

 

Le jeune homme qu'on surnommait Bengali
de Louis-René des Forêts
Vu par Frédérique Loutz
Les Editions du Chemin de fer, 2013 

 

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29 novembre 2012 4 29 /11 /novembre /2012 12:22

arbalete-genet.jpegUn petit bijou trouvé dans la librairie du Musée de Grenoble, sans doute en perspective de l’exposition consacrée à Alberto Giacometti qui sera présentée du 9 mars au 9 juin 2013.

L’Atelier d’alberto giacometti de Jean Genet a été publié chez L’Arbalète pour la première fois en 1963, avec des photographies remarquables d’Ernest Scheidegger qui déambule dans l’espace de l’atelier. Ses photos nous montrent l’homme et son visage, quelques tableaux aux personnages d’un mouvement infime et multiple, intérieur, aux regards troublants d’infini, et des sculptures oblongues qui nous parcourent d’un même frisson…dans une fragilité puissante. 

Cette fascination pour l’énigmatique beauté des œuvres de Giacometti est sans nul doute le point de départ de ces rencontres entre l’écrivain et l’artiste. Quelque chose d’incongru dans le rapprochement de ces deux univers, dont les créations, pourtant, pétrissent des poussières, des humanités écorchées et brulantes, pas si antagonistes qu’elles peuvent paraître.

L’écrivain se sent maladroit, a peur d’être ridicule, devant l’artiste impassible, préservé par les mots dans sa posture en léger mouvement, le corps tout entier dédié à son œuvre, à ce qui le traverse en profondeur. Genet observe, happe quelques dialogues, interroge. S’interroge entre le visible et l’invisible, et nous livre une méditation sublime sur un espace dont finalement les sculptures de Giacometti ne sont que des points d’accroche, ou d’entrée.

On va, en somme, avec l’écrivain, on scrute, on sonde là où il y a résonnance, tout en découvrant un homme dont Genet qualifie l’œuvre  d’un « art de clochards supérieurs, à ce point purs que ce qui pourrait les unir serait une reconnaissance de la solitude de tout être et de tout objet ».

« Etant ce que je suis, et sans réserve, ma solitude connaît la vôtre. » 

 

Quelques échos : 


« Il n’est pas à la beauté d’autre origine que la blessure singulière, différente pour chacun, cachée ou visible, que tout homme garde en soi, qu’il préserve et où il se retire quand il veut quitter le monde pour une solitude temporaire mais profonde. Il y a donc loin de cet art à ce qu’on nomme le misérabilisme.
L’art de Giacometti me semble vouloir découvrir cette blessure secrète de tout être et même de toute chose, afin qu’elle les illumine. »
Jean Genet
 

 

« LUI. – Quand je me promène dans la rue et que je vois une poule de loin et tout habillée, je vois une poule. Quand elle est dans le chambre et toute nue devant moi, je vois une déesse.

MOI. – Pour moi une femme à poil est une femme à poil. Ça ne m’impressionne guère. Je suis bien incapable de la voir déesse. Mais vos statues je les vois comme vous voyez les poules à poil.

LUI. – Vous croyez que je réussis à les montrer comme je les vois ? »
Dialogue, Lui (Giacometti), Moi (Genet).

 

« Au peuple des morts, l’œuvre de Giacometti communique la connaissance de la solitude de chaque être et de chaque chose, et que cette solitude est notre gloire la plus sûre. »
Jean Genet

  

l’atelier d’alberto giacometti
de Jean Genet
Photographies de Ernest Scheidegger
Mise en page par Marc Barbezat
Editions l’Arbelète

réédition : 2007

 

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27 juillet 2012 5 27 /07 /juillet /2012 14:22

images-1-copie-5.jpeg« Je viens de nulle part, je suis partout pis je m’en vas ailleurs » tel est le « credo des bâtards » qu’Il et Elle récitaient fièrement avant de se séparer. Ils ont sept ans, ils appartiennent à la famille des Apatrides qui donne le titre à la première pièce de théâtre de la québécoise Marilyn Perreault.

Présentée au public en 2003, elle raconte sur le ton de l’ingénuité qui borde les contes pour enfants la quête de Elle qui part avec son bicycle trouver un sens à sa vie en trouvant quelqu’un de qui s’occuper. Sur son chemin, elle rencontre des personnages un peu junkie, malhabiles, infirmes presque, en marge de la société, comme la Dehors Woman qui a été « l’âme sœur de tellement de sexes » dans sa vie qu’elle n’a « même plus besoin de famille…ni d’amis… » mais que la petite fera bien l’exception, enfin…, ou comme ce clochard, Clock, qui a perdu son fils en manquant de le voir…
Les mots et les expressions sont des pinceaux de couleurs, des petits ustensiles pour créer la musique et la fabuloserie de cette pièce drôle, magique et dure comme un chant d’amour pour âmes fêlées…

Un texte et une auteure découverte - et à découvrir absolument - grâce à sa résidence entre l’Espace 600 à Grenoble et le festival Textes en l’air qui se déroule encore jusqu’au 29 juillet à Saint Antoine L’Abbaye.

Plus de détails sur le site de Marilyn Perreault : http://marilynperreault.over-blog.com/

Et sur le site de Textes en l’Air (progamme) : http://www.textesenlair.net/le-festival/festival-2012.html

 

Les Apatrides
Pièce de théâtre de Marilyn Perreault
2005, Dramaturges Editeurs 

  

 

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31 mai 2012 4 31 /05 /mai /2012 11:30

scrute le travail« Être dans le travail
c’est être dans cet espace unique où il n’y a pas de temps. »

Si le livre pouvait être corps, la voix qui nous happe serait comme une main tendue. On avance dans un flux mené par larollingstone, une chanson « devenue de la peau » suivant un souffle bouleversant de justesse et de sincérité, presque confidentiel, ce recueil sonde le clair-obscur d’une écriture qui est matière. Matière et vie. Et sur laquelle suinte une lumière mouvante d’affection pour les personnes qui traversent ces pages. Des peintres, des personnages, des acolytes dont Loren Capelli avec qui Corinne Lovera Vitali signe plusieurs albums jeunesse – Kid & C’est Giorgio – et avec qui elle a créé le collectif NON* pour faire et faire tout de suite. 

« Les traits très personnels de Loren pour Giorgio sont connectés directement aux mots de "C’est Giorgio", eux-mêmes connectés à ce qui reste une énigme pour moi. Le dessin de Loren a été capable de se connecter à une énigme à laquelle j’ai donné une forme écrite, sans s’en angoisser au point de vouloir la résoudre, sans vouloir lui attribuer une figure qui la simplifierait. De cette façon il ne peut y avoir un trait en moins ou un trait en trop, ni chez Giorgio ni chez C’est Giorgio, comme il n’y a rien qui manque ni rien en trop dans le visage d’un petit quelqu’un vivant. »

 

Corinne Lovera Vitali était l’invitée de l’émission Entre Paroles & Musique – diffusée sur RCF Isère les 23, 24 et 25 mai 2012 – pour parler de ce recueil de seize textes (et d’un CD) paru aux éditions Précipitées, distribué par NON (http://non.ultra-book.com/), et disponible notamment à la librairie Les Modernes de Grenoble. 

 

Cet entretien a été réalisé au Lu Shan,
un havre de paix dédié à l’art du thé, à Grenoble.

En voici quelques extraits :

 EPM CLV Scrute le travail partie 1 EPM CLV Scrute le travail partie 1

EPM CLV Scrute le travail partie 2 EPM CLV Scrute le travail partie 2

 

à lire aussi : 

Kid - avec Loren Capelli, éditions du Rouergue, 2010
Pirate des garages-vides - éditions Thierry Magnier, 2009
Please read this seed - pour Richard Brautignan, avec Loren Capelli, NON, 2008
C'est Giorgio - avec Loren Capelli, éditions du Rouergue, 2008
Le bravo - avec Philippe Favier, éditions Thierry Magnier, 2006
Chez les lapins - avec Renaud Perrin, éditions Thierry Magnier, 2006
La taille des hommes - éditions Comp'act / l'act même, épuisé, 2006
Lise. - éditions Thierry Magnier, 2005
Nouvelle vie - éditions Gallimard, 2004
Nitti - éditions Gallimard, 2002 

 

 

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20 mai 2012 7 20 /05 /mai /2012 23:52

images-2.jpeg

À Londres, Manfred est un vieillard juif allemand à qui la guerre a « consumé une partie nécessaire, virginale de lui-même ». Il vit dans l’absence de sa femme, Emma, qui est une rescapée des camps de concentration. Depuis vingt ans, ils ne se rencontrent plus qu’une fois par mois sur un banc de Hyde Park où elle lui interdit de regarder son visage.

Une douleur nouvelle dans le corps de Manfred amorce le déroulé de leur histoire nouée par l’implacabilité d’une spirale de l’adoration à la violence conjugale. Et dont la complexité et l’absurdité n’ont en miroir que la honte et le remords qui en découlent. Du corps au geste, de la fièvre à la terreur, le silence et l’acceptation de la victime, la solitude et l’errance de celui qui a commis…

L’empathie et l’effroi se conjuguent et bouleversent dans ce roman magistral et subjugant qui tisse une folie sans excuse par l’exploration de sa source et de son engrenage.

 

La douleur de Manfred
Robert McLiam Wilson

Traduit de l'anglais par Brice Matthieussent
Christian Bourgois Éditeur, 1992 
Édition 1018, 2005 

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15 février 2012 3 15 /02 /février /2012 16:36

images-copie-6.jpegFée d’hiver se déroule avec magie, comme un conte initiatique, découvrant des personnages pris au creux d’une nature mouvante et matricielle. 

Dans un pays du Sud de la Drôme, deux frères vivent épargnés dix-sept ans plus tôt par leur père qui d’un coup de folie assassina leur mère et se donna la mort sous leurs yeux. 

Daniel est devenu mutique depuis ce drame, préférant « lire qu’être obligé d’entendre » mais surtout écrire. Avec son frère, Richard qui est revenu boiteux de la Guerre d’Algérie, il partage ce goût pour la musique et plus particulièrement pour le blues.

Leur destin croise celui de la belle et féérique Alice, une fille du pays, abîmée par son mariage avec un lointain cousin, et de Vladimir, un bucheron d’origine Serbo-croate, en exil.

Ce colosse a fui un village anéanti par la guerre et trouve refuge, au bout d'un périple jonché d’obstacles, dans l’amour et dans l’amitié mais surtout dans ces montagnes dont la forêt et le ruisseau s’accordent à sa solitude, malgré la rudesse des hivers.

Ce roman cristallin comme la neige fait vivre l’amour fraternel et transpire d’une gourmandise affectueuse pour les femmes vers qui les protagonistes semblent portés comme vers la langue. 

Dans une écriture aérienne dont les flocons révèlent la beauté et la dignité des êtres, tout en faisant miroir à leur noirceur profonde et à leur vilénie, la polyphonie des voix éclot comme la sève qui remonte la feuille par les phrases. Ces voix se rencontrent et apprennent strate après strate à vibrer au ton juste…ou plutôt, elles apprennent à s’entendre et à se con-naître.

  

Extrait : 

« La vie d’avant ressemblait à une promesse non tenue et l’avenir à un malentendu. Puis on parvient à se frayer un chemin, un ailleurs, on recréé le décor intime, on réussit même à se bâtir une nouvelle demeure. On prend ce qui vient, le travail que personne ne veut, le vent le froid la solitude et la fatigue, le temps qui passe, les jours et les heures.

Ensuite, à l’improviste, le plein s’insinue, s’insère dans le vide, un petit nerf se met à craquer. Quelqu’un surgit, vous éclaire vous traverse. Un regard ou un geste, une flamme ravivée dans le cœur, les pas du danseur. Elle vous en retire les échardes et vous n’avez qu’une envie : pouvoir, ultime tentative, convoquer les chers disparus, les réunir et recevoir leur assentiment. (…) »

 

Fée d'hiver
D'André Bucher
Éditions Le Mot et le Reste, 2012 

 


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31 janvier 2012 2 31 /01 /janvier /2012 13:44

La vague, MingarelliLa Vague
D’Hubert Mingarelli
vu par Barthélémy Toguo
Éditions du Chemin de fer, 2011

« La mer était grise et blanche.
Le ciel tombait sur la mer. Le vent soufflait. 
Alors nous vîmes la vague qui devait nous emporter, Tjaden et moi,
plus tard, le lendemain, au moment où peut-être elle touchait Cuba ou la Floride. »

Mis à mal par la tempête à cause de la désobéissance de Tjaden, le bateau amarre une fois la mer calmée sur le quai de Port-au-Prince. Entre ce dernier et le narrateur se dessine une amitié fraternelle tenue par la rudesse et la solitude mais surtout par un rêve partagé de quitter l’armée et de se construire une maison en bois où ils élèveraient ensemble des poulets.
 

Malgré la compréhension du lieutenant Grossman, homme attentif et massif comme un ours, le marin, audacieux et arrogant de colère face à l’injustice de leur condition, se voit consigné à bord pendant que le reste de l’équipage va profiter des plaisirs de la ville.
Mais un garçon haïtien vient proposer à Tjaden et au narrateur de leur ramener une fille ou deux pour les distraire. Ils acceptent et, bravant l’interdit, vont attendre dans une baraque en brique à l’extrémité du quai sur des couvertures, avec de l’alcool et des cigarettes.

 

Dans ce texte court traversé par les illustrations aériennes de Barthélémy Toguo, Hubert Mingarelli explore intarissablement ce lien infime entre les êtres, dans une prose ondulante, dépouillée et poétique. Entre des dialogues où l’humour s’immisce et les confidences des uns au hasard d’une nuit sombre, l’humanité de ces personnages se déploie dans leur fragilité, leurs renoncements, leurs peurs mais surtout dans leurs espérances et dans les nuances qui teintent les affections qu’ils éprouvent. Le lecteur est pris au plus vif, happé d’empathie et d’émotions si justement suggérées.

Les personnages d’Hubert Mingarelli marchent souvent en duo, comme dans ce récit dont le narrateur « au cœur léger », tout d’abord, s’étoffe au fil de l’écriture, et semble même se défaire d’une posture observatrice et ingénue en prenant une consistance, permise peut-être, par la brève séparation de son acolyte, Tjaden.

Cet univers marin où l’eau grise et blanche s’obscurcit sous les pieds balançant du narrateur et du garçon qu’il rencontre, rappelle indéniablement les précédents romans de l’auteur, d’Hommes sans mère (2004) au recueil de nouvelles La Lettre de Buenos Aires (2011), et plus particulièrement l’une d’entre elles…ce qui laisse planer l'énigme.

 

Pour la déceler (peut-être), rendez-vous ce mercredi 1er février 2012
à la FNAC de Grenoble Centre Ville à 18h,
au forum, Hubert Mingarelli échangera avec Franck Pavloff autour de leurs derniers romans. 

Voir l'article sur L'homme à la carrure d'ours de Franck Pavloff :  "L'homme à la carrure d'ours" de Franck Pavloff

 

 


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29 janvier 2012 7 29 /01 /janvier /2012 16:41

PavloffUne force bouleversante gorge souvent les grands romans. Celle que recèle l’Homme à la carrure d’ours de Franck Pavloff est synonyme d’opiniâtreté, de liberté, d’espérance et d’humanité. Il nous parle du monde, d’un ailleurs qui nous interroge simultanément sur nos peurs et sur nos conditions actuelles, individuelles et collectives.

L’histoire prend place dans le Grand Nord, sur une terre irradiée et glacée. Depuis trente ans, plusieurs communautés hostiles vivent dans une Zone que les Autorités ont brutalement ordonné d’évacuer. La ville de Voulkor a été détruite à l’explosif, les puits des mines ont été colmatés, et des hommes, qui travaillaient dans les galeries, ont été ensevelis. Endurcies, ces âmes entretiennent tristement leur survie, dans leurs chaumières, au Comptoir, dans les isbas ou à l’église comme pour Misha, la mère adoptive de Lyouba.

Lyouba est l’unique femme apte à porter la vie dans son ventre. Donnée aux hommes depuis deux ans par Misha sur les conseils du Pope, elle s’est retranchée dans un mutisme qui est comme un voile « plaqué sur son visage, éteignant son regard ». Elle porte des bottes en cuire rouge données par le lapon, Kolya, un personnage solitaire et riche des enseignements de son peuple.

L’homme à la carrure d’ours sculpte l’ivoire et s’évertue chaque jour à faire revivre un jardin de friches, à l’autre bout de la Plaine. Dans cet univers froid où les nuits boréales sont un danger véritable, Kolya est le seul à oser sortir de la Zone, mais sa détermination porteuse de chimères et son refus de prendre acte de sa désespérance irritent ces communautés d’hommes domptés par la peur et reculant devant l’exil.

Grâce au lien intime, profond et presque immaculé qui se révèle progressivement entre le lapon et la jeune femme, celle-ci s'aventure, au fil des saisons, du jardin d'enfant, où elle se réfugie, à la cité interdite, défiant la vigilance des gardes invisibles. Elle franchit des cercles et puise la force de sa libération, faisant écho à cette phrase qui signe un précédent roman de l'auteur : "Ils ont la loi, vous avez la foi. Vous passerez"*, mais ce n'est qu'une  étape…comme chacun des livres de Franck Pavloff qui sont autant de strophes à une ode pour la liberté des êtres qui résonne comme un cri sépulcrale et flamboyant, à l’image de cette nature arctique dont il dépeint toute la puissance et la beauté. 

 

L'homme à la carrure d'ours
de Franck Pavloff
éditions Albin Michel, 2012 


* phrase extraite de La Chapelle des Apparences (Albin Michel, 2007)

 

 

 

 

 

 

 

 

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25 décembre 2011 7 25 /12 /décembre /2011 12:57

9782070129256.jpg« Demain est une illusion affreuse,
l’espoir est une imposture,
l’espérance est une insulte au moment présent. »*

 

Au constat que "le froid, la solitude et le silence sont les produits de luxe du monde de demain"*Sylvain Tesson est parti s’établir dans une cabane sibérienne au bord du Lac Baïkal. Pendant six mois, il a vécu au rythme de la nature, dans des conditions souvent hostiles avec des températures pouvant atteindre – 30°C, et dans "une sobriété et une économie de gestes qui, lorsqu’elles sont voulues, permettent d’atteindre l’essentiel"*.

Sylvain Tesson retrace dans ce « journal d’ermitage » son expérience d'une ascèse joyeuse en compagnie de quelques trésors du monde moderne, vodka, cigares et une soixantaine de livres de tous registres, de Jünger à Thoreau en passant par Defoe, Hemingway, Nietzsche ou Whitman.

Obsédé par l’idée que "le temps est un cancer qui nous ravage"* et que "demain n’existe pas"*, l’auteur s’est astreint à tenir ce journal avec discipline, une façon d’intensifier chaque instant qui est par conséquent vécu et ressenti dans toute sa teneur substantielle. 
Sur le mode discret de l'aphorisme, Sylvain Tesson nous fait partager des réflexions aussi pertinentes qu’elles peuvent être grinçantes ou sarcastiques, notamment à propos de la société de consommation. Celle-ci étant selon lui « une expression légèrement infâme, née du fantasme de grands enfants déçus d’avoir été trop gâtés. »
Jour après jour, il nous décrit les moments parfois durs et parfois drôles d’une aventure initiatique, mais surtout, Sylvain Tesson nous entraine avec beaucoup de poésie dans cet éloge de la beauté de la nature et du Temps reconquis.


Dans les forêts de Sibérie
Sylvain Tesson
Éditions Gallimard
Prix Médicis de l’essai 2011



 

De ce voyage immobile, Sylvain Tesson a réalisé un très beau film-documentaire avec Florence Tran, avec la participation de France Télévision Voyage. 

"6 mois de cabane au Baïkal"


 

Sylvain Tesson a écrit de nombreux récits de voyage depuis 2001 dont l’Axe du loup publié en 2004 chez Robert Laffont, qui reprend l'itinéraire des évadés du goulag en suivant le récit de Stawomir Rawicz : The Long Walk (1955).

En 2011, sont également parus Ciel, mo Moujik aux éditions Chiflet et cie, et Aphorismes dans les herbes et autres propos de la nuit aux Éditions des Équateurs. Précédemment, cet éditeur a notamment publié en 2004, Petit traité sur l’immensité du monde, et en 2008 Aphorismes sous la lune et autres pensées sauvages.


* Propos recueillis pour l’émission Entre Paroles et Musique diffusée en décembre 2011 sur RCF Isère. Une interview réalisée à l’occasion du Festival International du Film de Montagne d’Autrans (Isère) dont Sylvain Tesson était l’un des invités d’honneur.

 

 

 

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